“Objectif dans deux minutes.” La voix crachota dans le communicateur d’Aaron qui tapota légèrement sur son casque comme pour chasser les parasites. Le Black Hawk vira sur la droite et les hommes installés s’agrippèrent tant bien que mal. En bas, le chaos s’était installé, ici et là, des bâtiments dévorés par les flammes, seules les sirènes de la police et des ambulances ponctuaient la nuit éclairée par le démon du feu. Regardant par le flanc ouvert de l’hélicoptère, Aaron avait du mal à se dire qu’il volait au-dessus de Philadelphie et qu’il y a quelques jours de ça, il fêtait son passage de grade dans la 1ère Divison des Marines.
5 années de formations à Parris Island, une formation d'enfer mais franchement, il ne regrettait pas, il avait vécu au sein de véritables amis et du peau de vache de sergent-instructeur. Si certains étaient chez les marines à cause d'une vie difficile, lui n'avait pas eu à se plaindre, il avait vécu une chouette enfance, c'est juste qu'arrivé à l'Université, sur un coup de tête, il avait signé pour le Corps de Marines. Son père en avait été fier, sa mère plus inquiète. Toujours est-il qu'il savait avoir fait le bon choix, il était plus un aventurier et l'école l'avait toujours ennuyé malgré des notes moyennes mais il avait toujours préféré les vacances et les colonies. Il avait ensuite eu ses premiers ordres de mission, Irak, Afghanistan, Afrique, ce fut des années merveilleuses et il se distingua jusqu'à arriver à son rang.
Tout cela le déprima légèrement, mais il était un marine et il devait faire son job quand bien même les opérations de confinement étaient floues. Officiellement, une contamination, une rage qui touchait l’homme, lui faisant perdre tout sens commun, la police avait été incapable de régler tout ça et le gouvernement avait été obligé de créer des Alpha Team afin d’enrayer la propagation. Mais pour la Team d’Aaron, cette infection et les contaminés avaient un tout autre nom, zombies, ils avaient déjà participé à Baltimore à des opérations, le jeune soldat avait été choqué, comme les autres, même le sergent Baker après la première mission avait été secoué, exterminer tout un immeuble en quarantaine, hommes, femmes… Enfants, les ordres étaient clairs, pas un seul ne devait s’échapper, mordre était aussi proscrit afin d’éviter un nouveau contaminé.
Malheureusement, cela ne suffisait pas, trop peu nombreux, trop de foyers, c’était tout bonnement ingérable et c’était comme pisser dans un violon, mais l’État-major ne voulait rien entendre et voilà qu’ils étaient à Philadelphie, des cas, c’étaient développé, l’aéroport avait fermé et le Black Hawk remontait le Delaware sereinement jusqu’au Adventure Aquarium. À quoi bon essayer d’arranger ce bordel ? De ce qu’il pouvait voir de part et d’autre du fleuve, Philadelphie était perdue. Baker fit signe à ses hommes et Aaron leva le pouce tandis que l’hélicoptère se mettait en vol stationnaire au-dessus de l’aquarium, la mission allait débuter.
Il fut le premier à pénétrer dans le vaste bâtiment, si Philadelphie était en proie à un début de chaos, les autorités essayaient tant bien que mal de garder la main mise dessus, surtout que le Vice-Président avait insisté pour rester en ville afin de coordonner les secours et essayer de rétablir l’ordre. Passant dans un couloir, Aaron fit signe que l’endroit était clair et bientôt, le bruit des rangers emplirent l’espace alors qu’ils traquaient les menaces qui avait été signalé un peu plus tôt, une bande de contaminés qui remontaient vers l’aquarium, plus tard, ce fut au final la police qui appela des renforts, les contaminés étaient plus nombreux que prévus. C’est dans un des nombreux halls que le petit groupe tomba sur une boucherie, voir des corps dévorés n’était pas le plus terrible, le pire, alors que Aaron pointait son arme, c’était le bruit, celui des dents qui lacèrent la chair humaine, raclant les os, parfois, un craquement sinistre suivit d’un bruit plaintif, morbide. Baker fit signe, l’équipe se dispersa à pas de loup alors que les contaminés mangeaient ce qui devait être le dernier carré que les policiers avaient fait tout en protégeant les derniers civils. Le point positif, c’était qu’il y avait assez de bouffe pour que ces abominations restent toutes au même endroit suffisamment longtemps pour qu’ils interviennent. Ils étaient une vingtaine, l’un d’eux rampait de cadavre en cadavre, sa chemise totalement épaissie par le sang encore chaud des malheureux. Mais alors qu’il enlevait la sécurité de son arme, il remarqua que quelque chose clocha avec l’un des infectés, il remarqua sa chemise humide, aussi loin que remontait sa mémoire, la pluie n’était pas tombée depuis une semaine… Oui, quelque chose clochait.
L’assaut dura quelques secondes, à vrai dire, c’était encore plus facile lorsqu’ils mangeaient, le claquement des M 16 fit un boucan d’enfer, les contaminés ne réalisèrent que trop tard ce qui se passait et après ça, les marines s’approchèrent de façon précautionneuse des cadavres, chacun reçu une balle dans la tête, le meilleur moyen pour qu’il n’ait pas l’idée de venir vous croquer la jambe. Aaron s’approcha de celui qui lui avait semblé étrange et ses doutes se confirmèrent.
“Sergent… Je crois qu’il y a un soucis…” Mais à peine avait-il eu le temps de dire ça qu’un bruit sourd et répété se dirigea vers eux et tous les soldats pointèrent rapidement leurs armes vers la source et ce qu’ils virent fut… Étonnant, un hippopotame courait vers eux, il ne semblait pas se soucier plus que ça des marines et l’un d’eux fut obligé de se jeter au sol pour éviter la charge de la bête.
“Putain de merde ! C’est quoi ce bordel !” Baker n’aimait pas les surprises, cela se sentait dans le timbre de sa voix.
“C’était Button… Ou Genny sergent, je n'ai pas osé regarder dessous.” Les rires éclatèrent, même chez son chef même si cela ne dura pas. Car si l’animal partait ainsi à toutes pattes, c’était à cause de la horde humide qui arrivait du hall C de l’aquarium.
“Bordel ! Feu !” À dire vrai, ce n’était pas la peine de donner un ordre pareil, car déjà, tous étaient en train de tirer sans discontinuer sur la masse claudicante et mugissante.
“Ici Alpha Team 01, demande extraction d’urgence ! Les gars, sur le toit !” Leur leader avait fait claquer l’ordre dans les oreillettes pour couvrir le bruit des contaminés et avec calme, les marines reculèrent.
Lorsque le Black Hawk quitta l’aquarium, Aaron vérifia son arme et son chargeur, voilà ce qu’il pouvait détester dans cette foutue organisation, l’élimination des foyers était impossible pour la simple et bonne raison que des foyers, ils apparaissaient plus vite qu’un groupe de combat en éliminait un. Le sergent était en train de gueuler dans son micro, visiblement, quelque chose ne lui plaisait pas du tout et lorsqu’il coupa la communication, il regarda ses hommes avec une mine sombre.
“Philadelphie est un cas perdu, ordre de sécuriser l’aéroport avec tous les éléments disponibles pour que le Vice-Président quitte les lieux.” Personne ne broncha dans l’hélicoptère, c’était toujours pareil depuis que l’épidémie était prise au sérieux, élimination, gonflement des foyers, abandon… Il ne savait pas comment c’était ailleurs, mais franchement, il ne miserait pas sur l’homme, enfin le vivant.
****
Il traîna le cadavre jusqu’à la berge avant de le laisser tomber mollement, il prit deux secondes pour reprendre son souffle avant de lui faire les poches, Aaron marmonnant un “désolé” même s’il savait que son ancien camarade ne lui en voudrait pas. C’était le troisième qu’il vampirisait et il n’avait pas fini en voyant encore deux autres cadavres s’échouer non loin. L’Hudson charriait de nombreux cadavres, tous en treillis, tous de la bataille de Yonkers, il frissonna à l’évocation de ce cauchemar à ciel ouvert.
Pourtant au départ, tout se passait bien, en première ligne, Aaron et son unité avait ouvert le feu sur la horde grouillante, une boucherie, avions, chars, artilleries, fusils, tous avaient crachés la mort sur les zacks, une véritable leçon, la victoire semblait proche mais tout avait dérapé, si les généraux avaient sous-estimé le nombre, Aaron lui-même avait halluciné devant les milliers de contaminer qui gravissaient les cadavres de leurs congénères et puis ce fut le chaos, les munitions devenaient rares, la chaleur plombait Yonkers, la fatigue s’installait dans les membres, et même les marines souffraient de ça, mais l’ennemi lui avançait toujours, rampait parfois, mais l’écart se réduisait, encore et toujours. Ce fut sur sa droite que la mort arriva, la ligne de l’Armée de Terre commençait à faiblir au niveau du feu jusqu’à l’épuisement et au cliquetis funèbre du chargeur vide.
Ce fut alors la débandade, à bien y réfléchir, Aaron pouvait les comprendre. Être face à un zack, sans munitions, juste la baïonnette, c’était flippant et les rampants s’approchaient jusqu’à ce que leur haleine flatte votre nez et alors là… La ligne fut rompue, la putain de ligne n’existait plus, fuyant, les zacks s'engouffrèrent dans la brèche au risque de prendre par-derrière les unités qui tenaient leurs positions. Dans la tête d’Aaron résonnait encore les ordres, les cris et surtout la demande de bombardement sur la ligne afin d’endiguer la horde. Il ne se souvenait plus de grand chose d’autre, sauf celui du Abrams qui explosa sous l’impact direct d’un missile balancé d’un F-16, un coup au but, mal visé… Fait chier. Le reste, ce fut un trou noir, de l’eau glaçante, l’impression de mourir.
Et le voilà maintenant à sortir ses camarades de l’eau, pour autant, il n’y avait rien de noble dans sa démarche, il fouillait les cadavres à la recherche de munitions et de tout ce qu’il pouvait lui être utile pour sa longue marche qui l’attendait pour il ne savait où en réalité, il y avait bien la base navale de New London, c’était une base stratégique, elle devait avoir ce qu’il fallait en défenses, il y avait aussi les rocheuses, mais c’était une putain de marche et surtout, entre lui et les rocheuses, il y avait les zacks. Il y avait aussi le Canada, des rapports mentionnaient que le froid bloquait les contaminés, les ralentissaient, mais c’était une sacrée marche aussi. Il allait devoir faire pourtant son choix et rapidement. L’autre souci, c’était qu’il était lui-même en pleine zone d’infestation. Se posant sur le sol meuble, Aaron essaya de réfléchir de façon plus sérieuse à sa situation et franchement, il ne savait pas comment s’en sortir. Une voiture ? C’était bruyant et il ne voulait pas attirer les zacks, mais marcher, ici ? C’était encore plus du suicide dans un sens. Non, il devait prendre une voiture, au moins il pourrait rapidement sortir de la zone, rallier New London et voir si la base navale était encore opérationnelle et sinon, direction le Canada sans se retourner. Il tourna la tête et regarda tout ce qu’il avait récupéré et il était plutôt satisfait des réserves de munitions qu’il avait, il allait devoir cependant faire un tri, il n’avait que son uniforme, son casque, son M16A4 et son sac à dos qu’il avait déniché dans un Humvee. Il allait être une véritable mule, mais il préférait aller à son rythme plutôt que de courir avec rien dans les poches et se retrouver juste armé de son couteau, de toute façon, il savait que les réserves allaient rapidement fondre, mais tant pis.
Il se releva et respira un grand coup, comme pour se donner du courage, à dire vrai, l’endroit était parfaitement calme, les contaminés avaient sûrement tous rejoins les Yonkers, vu le bruit que ça avait fait. En plus, il ne devait pas être le seul encore vivant, l’armée, c’était repliée sur Nyack, un endroit stratégique vu que le New York State Thruway traversait l’Hudson, certes, il y avait bien d’autres endroits pour passer et de ce qu’il avait vu, l’eau n’était pas un souci pour les rampants, mais au moins, cela ralentirait la horde de Yonkers le temps de se réorganiser avant d’aller aux rocheuses.
Vérifiant la chambre de son arme, il la mit en bandoulière et ramassa tout le reste de son barda qu’il fourra dans son sac à dos et il se sangla avant de regarder vers l’horizon, le visage sûr de lui, oui, sûr de marcher avec la mort à côté, il devait juste penser à se garder une balle pour lui, il préférait offrir de la bidoche morte que chaude aux morfales….
***
Il roulait à tombeau ouvert, New London avait été une putain de connerie, dans son rétro, Springfield en flamme, il se maudissait d’avoir été aussi con. S’il s’était dirigé de suite au Canada, il y serait déjà, mais non, trop confiance envers les gradés, la Base Navale avait été un massacre. Des Yonkers jusqu’à là-bas, il n’avait vu que désolation, des zacks mais aussi des petits îlots d’humains qui voulaient résister, pure perte de temps, l’immobilisme n’était pas une solution d’après lui, il fallait bouger. Pourtant, au départ, lorsqu’il était arrivé à la Base Navale, il y avait une sorte d’espoir, elle était sous quarantaine et il y avait encore des militaires, une petite équipe, la majorité des sous-marins avaient prit le large et malheureusement, cela avait entraîné une foule de survivants. De ce que Aaron avait réussi à glaner, les débuts furent éprouvants. Les gens avaient essayé d'escalader l’enceinte, à chaque fois, ils furent repoussés. Le carnage survint de l’arrière, des infectés qui dévorèrent l’arrière des réfugiés, l’armée eut du mal alors à contenir cette masse désespérée, les soldats firent du mieux qu’ils purent, mais au final, ils laissèrent les gens entrer dans la base, se retranchant eux dans un bâtiment alors que les civils allèrent sur les sous-marins, essayant d’ouvrir les écoutilles, mais rien n’y faisait, les marins avaient des ordres et nombreux furent ceux aspirés dans l’eau froide de l'atlantique alors que les navires glissaient sur l’eau et de lentement s’enfoncer dans l’océan une fois en pleine mer. Ceux restés dans la base essayèrent alors de se sauver et les militaires en sauvèrent quelques-uns. Par la suite, ce fut une lente éradication des zacks, de lourdes pertes à déplorer et au final, il ne restait plus qu’une poignée de survivants, n’ayant pas la force de partir ailleurs et de toute façon, ordre avait été donné d’assurer la sécurité du site pour le retour des sous-marins.
Aaron y séjourna quelques jours avant de remarquer que dans la base, l’USS Alexandria n’était pas partit et la macabre histoire lui fut comptée, à l’intérieur, il y avait bel et bien l’équipage qui, hélas, était infecté, d’après le capitaine de la section, l’un des sous-mariniers avait dû être mordu durant le chaos. Depuis, lorsqu’ils s’approchaient de la fosse de veille où l’écoutille principale était placée, ils pouvaient entendre des gémissements.
Ce fut la nuit qu’ils attaquèrent, silencieux, ils surprirent les soldats, se croyant en sécurité, ce ne fut que lorsque la situation se calma que Aaron et les autres comprirent que c’était les membres de l’Alexandria, le marine ne comprenait pas, les autres non plus d’ailleurs, mais ce n’était pas le pire, le bruit avait fait venir d’autres zacks, une nouvelle boucherie et Aaron s’en sortit uniquement grâce à son instinct de conservation, prenant un humvee, il partit sans s’arrêter, découvrant l’entrée de la base totalement ouverte et il fut obligé d’écraser des contaminés pour s’échapper de New London.
Encore maintenant, alors qu’il roulait vers la frontière, il essayait de comprendre, qui avait fait ça ? Un zack ne pouvait l’avoir fait, oh il en avait vu des malins, mais quand même… L’horrible vérité, c’était qu’un humain avait ouvert l’entrée de la base, ouvert l’écoutille du sous-marin, mais pourquoi ? Un parent qui espérait encore pouvoir sauver un sous-marinier ? Quelqu’un qui cherchait des rations ? Quelqu’un qui voulait juste les libérer ? Aaron ne savait plus quoi penser, le monde était devenu fou, pourquoi diable s’accrochait-il encore d’ailleurs ! Si même l’humain cherchait à tuer de cette façon, en envoyant des zacks sur d’autres ! Depuis cet acte, il était devenu bien plus méfiant, il avait croisé ses survivants, mais pourtant, il ne c’était pas arrêté, il ne voulait pas du contact avec des bandes, trop méfiant peut être, mais la peur également d’avoir un infecté avec lui, il ne voulait pas mourir comme un con. C’était avec cette idée qu’il filait, sa vie, il la voyait toute tracée, une balle dans la tête dans ce monde qui ne tournait plus rond...
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